Je remercie Masato Fujioka, artiste spécialisé dans la peinture traditionnelle japonaise, enseignant à Kyoto, pour la rédaction de ce texte qui présente ce pigment indispensable dans le nihonga, précieuse ressource venue de la mer, le gofun. Et merci bien sur à Isabelle mon amie de plus de vingt ans pour la traduction.
Le gofun est un élément si essentiel qu’on peut dire qu’il est l’alpha et l’oméga du nihonga. Mais peu de personnes l’utilisent en ayant conscience des différences subtiles entre les diverses sortes de gofun.
A notre connaissance, il y a actuellement 4 fabricants de gofun: deux qui font le gofun à partir de coquilles d’huîtres (huîtres Itabo), un à partir de coquilles de pétoncles, et un à partir de coquilles de palourdes.
Parmi les différences entre ces 3 sortes de gofun, on notera d’abord une légère différence de nuances dans leur teinte.
Les gofun d’huître de la gamme supérieure (金鳳Kinpô, 白寿Hakuju), produits par la société Nakagawa, ont une teinte tirant à peine sur le jaune, avec une imperceptible nuance de rouge. En revanche, le gofun de gamme inférieure (松Matsu) a des nuances jaunâtres et rougeâtres assez nettes.
Les gofun 白龍 Hakuryû (1er kyû) et 極白天 Gokuhakuten (2ème kyû) de chez Saiundô sont obtenus à partir du 白寿 Hakuju qu’on a purifié en le faisant tremper dans de l’eau. On obtient alors un gofun d’une blancheur encore plus pure, avec une nette atténuation des nuances de jaune et de rouge.
En ce qui concerne les gofun de pétoncle (produits par Ueba Esou), 飛切 Tobikiri (gamme supérieure) tire légèrement sur le jaune, avec des nuances très subtiles de vert, tandis que 白花Shirobana (bas de la gamme) tire assez nettement sur le jaune avec des nuances de rouge. Enfin, concernant les gofun de palourde (produits par Holbein), 白鷺 Shirasagi (gamme supérieure) a des nuances de jaune et de vert assez nettes, tandis que 白雪Shirayuki (gamme inférieure) tire sur le jaune avec des nuances de rouge.
Si on se demande quel est le gofun le plus pur, c’est-à-dire celui dont le degré de colorisation est le plus proche de zéro, la comparaison semble indiquer que le gofun d’huître est le moins coloré et le plus proche du blanc, suivi par le gofun de pétoncle puis celui de palourde.
Ensuite, si l’on regarde le degré de luminosité, le plus élevé est à l’inverse celui du gofun de palourde, suivi par le gofun de pétoncle puis le gofun d’huître.
Enfin, on me pose souvent la question de la taille du grain des différentes poudres de gofun, c’est le gofun de pétoncle qui a le grain le plus gros, suivi du gofun d’huître puis de celui de palourde.
Je pense que vous avez maintenant une idée des caractéristiques des différents gofun selon les critères présentés plus haut, les nuances de couleur, le degré de colorisation, la luminosité et la brillance, mais il ne s’agit pas là de faire un classement de valeur des gofun. Le plus important est que chaque artiste connaisse ces différents critères, et soit capable de choisir le gofun correspondant le plus au rendu souhaité pour ses œuvres.
NB: Mon utilisation du gofun: Pour les sous couches je vais utiliser le gofun de moindre qualité (Hana gofun qui se présente en sachet de papier ou shirayuki); pour les fleurs et les pétales, j’utilise du gofun de qualité supérieure. Le gofun peut se présenter en poudre ou en suihi (concassé) qu’il faut ensuite moudre au mortier.