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Joyeux anniversaire Monsieur Koike Kunio

A l’occasion du quatre-vingtième anniversaire de Koike Kunio, le fondateur du mouvement de l’etegami, j’ai pensé qu’il serait bien de revenir sur son histoire et sa démarche. Comme d’autres etegamistes, je pratique tous les styles et techniques utilisant le terme etegami au sens littéral du terme “e” (image) “tegami” (message) . Mais il est important de rappeler les fondamentaux de l’etegami traditionnel que propose Koike Kunio depuis les années 60, car ils recèlent des richesses qu’il serait dommage d’oublier. Tout d’abord un grand merci à Deborah Davidson à qui nous devons beaucoup car elle a facilité la connaissance de  l’etegami en occident grâce à son blog et a transmis la pensée de Koike Kunio en traduisant des extraits de ses livres.  Koike Kunio lui-même oeuvre depuis des décennies à faire connaitre l’etegami au delà des frontières.

Koike Kunio est né en à Dogo Onsen un quartier de Matsuyama dans la préfecture d’Ehime. Originaire d’une famille modeste, il travaillait dans la ferme de ses parents qui cultivaient des mandarines . Un jour, passant devant un sanctuaire, alors qu’il poussait une cariole de mandarines, il fut frappé par une calligraphie gravée dans la pierre du Tori du temple. Bien qu’il ne pouvait pas comprendre ce qui était écrit, il se senti profondément touché, ressentant des pulsions de vie dans cette calligraphie. Il découvrit que celle-ci avait été gravée par un prêtre du nom de  Beizan Miwata qui était en charge de plusieurs sanctuaires, et que l’on pouvait ainsi retrouver son style d’écriture dans tout le village. Ensuite il s’est intéressé aux calligraphies pleines de vie de Kukai fondateur de l’école bouddhiste Shingon1; et aussi une figure marquante de l’histoire du Japon. Peu confiant en lui, ayant du mal à communiquer avec les gens, et en besoin d’exprimer sa sensibilité, son entrée dans la section de calligraphie de l’université de  Tokyo Gakugei le vit frustré par un enseignement qui visait par la méthode de l’imitation et  de la copie à former de futurs professeurs et non des calligraphes.

Kukai
Etegami Koike Kunio
Ryokan

Observant des chef d’oeuvres de grands maitres tels que Ryōkan (良寛), Kukai (空海) et Wang Xīzhī (王羲之) il découvrit alors qu’elles le touchaient au coeur et exprimait une forte vitalité .  La vérité et l’authenticité d’une oeuvre ne  résident pas dans l’ornement, et les éléments les plus importants de la personne ressortent inconsciemment et clairement en l’absence de volonté de contrôle. Une oeuvre “bien réalisée” est ennuyeuse et sans âme. Une lettre est comme un être vivant avec une âme car elle est écrite avec tout le cœur de l’auteur.

Koike Kunio, las des codes et rigidités ainsi que de la méthode répétitive de son enseignement quitte donc l’ université, découragé, mais il sait qu’il ne veut pas abandonner l’art de l’écriture. Il entame alors une correspondance avec son ami Chitose Masaoka comme un exutoire pour son énergie. Autour de la vingtaine il crée une forme d’expression qui unit la poésie, la calligraphie et la peinture avec le format de la lettre. Il exprime ainsi son intention principale: “transmettre les mouvements de mon coeur plutôt que la technique.” “Une lettre qui touche le coeur de tout le monde” 

En 1978 (il a alors 37 ans) Koike Kunio rencontre le directeur du journal Quaterly Ginka  et il lui propose d’insérer 60000 etegami originaux peints de sa main dans chacun des exemplaires de son journal. Assorti d’une page présentant l’etegami et sa démarche, cet exploit le fait remarquer de la Poste japonaise qui décide de sponsoriser ateliers et expositions dans tout le pays. Avec la devise “Il est bon d’être maladroit, soyons maladroit”, le mouvement de l’etegami s’est répandu dans le monde avec l’intention de  relier les cœurs des gens au-delà de la barrière de la langue. 

Etegami
Un des 60000 etegami
Heta de ii Heta ga ii
Koike Kunio
Lignes maladroites

Parenthèse sur le sujet de la devise:

Heta de ii Heta ga ii

Etre maladroit n’est pas une chose qui s’improvise, pas plus qu’un injonction qui nous inviterait à être naturel. C’est pourquoi Koike Kunio a inventé l’exercice des lignes maladroites (plus précisément “lignes de vies”)  qui débute chaque atelier d’etegami traditionnel. Outre la position favorisant la maladresse (bras à angle droit du corps et pinceau tenu au bout du manche), cet exercice qui est proposé avec la  consigne de peindre des lignes à la vitesse de 10cm/60 secondes est très intéressante quand vous le reliez avec l’intention de peindre à partir des mouvements du coeur. En effet, au bout d’un moment de mouvements d’une extrème lenteur, vous remarquerez que les pulsations de votre coeur passent à travers le pinceau. Cet exercice contraignant est pour moi aussi un bel exercice d’humilité car il nous oblige à lâcher tout désir de bien faire et à accepter nos imperfections.

Une conversation entre etegamistes à l’occasion d’une exposition d’etegamis  “internationaux” nous a été reportée par Debbie Davidson à propos de ce que sont de  “Vrais etegamis” (ou etegami orthodoxes) selon les règles proposées par Koike Kunio :

Rioko: Dans l’ etegami, nous n’avons pas ce genre de contrôle sur le dessin. Nous ne sommes pas censés avoir ce genre de contrôle. Nous ne savons pas à quoi cela va ressembler jusqu’à ce que nous ayons terminé. Et il est presque impossible de faire des corrections une fois que l’encre est sur le papier, nous devons donc la prendre ou la laisser telle quelle. 
Yoko : La méthode et les outils que nous utilisons rendent volontairement difficile la maîtrise du dessin. Nous déplaçons le pinceau à encre si lentement qu’il sursaute à chaque battement de cœur. Ajoutez cela à la rugosité de la carte qui crée une friction avec le pinceau, rendant nos lignes encore plus difficiles à contrôler. Il n’y a pas beaucoup de règles pour réaliser des etegami. Mais essayer de ne pas avoir trop de contrôle sur le pinceau est fondamental. On m’a également appris que vous devriez dessiner en observant le sujet réel et que vous devriez essayer de ne pas utiliser plus de trois couleurs dans un etegami.

Etegami

Koike Kunio peint des etegami depuis l’âge de 19 ans. Chaque jour il envoie trois etegami depuis 50 ans. Il a son musée et de nombreux anciens élèves animent des ateliers dans tout le Japon, avec les même règles proposées. Son désir est de faire connaitre l’etegami dans le monde entier. C’est pourquoi il est venu en France à deux reprises. La dernière fois qu’il est venu, j’ai eu de la chance d’être invitée à l’atelier qu’il donnait à la Maison de la Culture du Japon à Paris pour les élèves de la classe de japonais.

Koike Kunio à Paris
Koike Kunio à Paris
Peindre sa main
Koike Kunio à Paris
Koike Kunio et la classe de Japonais à la MCJ
Hiragana

Lors de cet atelier, après une présentation traduite par un très sympathique interprète, nous avons fait l’exercice des lignes de vie puis Koike Kunio nous a proposé de prendre notre main comme modèle.  Exercice difficile s’il en est mais tellement intéressant! Puis nous avons peint notre nom sur une autre carte. Vous aurez compris que Koike Kunio est un être très généreux. Ainsi, nous avons tous reçu un hanko personnalisé avec l’hiragana correspondant à la première syllabe de notre nom ou prénom en cadeau. Plus tard j’ai reçu un etegami peint de sa main.

Etegami Koike Kuniio
"Aujourd’hui, une seule fois dans une vie" "Que vous ayez transmis en France l'etegami et nous ayez reliés, quel bonheur"

Cet article a 6 commentaires

  1. Diane

    Merci Madame, pour ce travail très complet sur l’e-tegami. Au plaisir d’échanger avec vous,
    Diane Beauchamps.

  2. Marchi Odile

    Je viens de le lire c’est très intéressant.
    Merci Valérie 💖

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