Nous voici à nouveau dans le lieu où Ooba Shigeyuki travaille. C’est un batiment qui possède à l’étage une salle municipale dans laquelle ont lieu ses cours et dessous se trouve son atelier. Les deux lieux sont très lumineux. Dans la salle de très grands tableaux de différentes périodes sont exposés. Des tableaux aux teintes assez sombres et d’autres représentant les saisons à travers des motifs floraux dans des teintes claires. Dans mon premier article je montre un grand tableau représentant une maison de pierre avec un chat sur le toit. Bien que sombre il diffuse une lumière grâce aux graminées et au ciel duquel la silhouette du chat se dégage. (Voir article 1)
Dans un tableau récent sur un fond clair , il a utilisé du sumi sur lequel il a soufflé pour peindre des herbes graminées, ce qui donne un aspect très spontané. Les herbes en arrière plan sont peintes de sumi auquel il a ajouté de l’iwa enogu ce qui donne une teinte un peu rosée.La lune est faite de feuille d’or et d’argent mêlé.
Eleve de Hirayama Ikuo, il s’inspire de thèmes issus de la nature, fleurs et herbes sauvages, chemins pierreux, paysage du Népal où il a voyagé. Comme je lui ai parlé du fait qu’il existerait deux styles de nihonga : western style et traditionnel, il me dit qu’il fait un mix des deux. Ooba-san a exposé à trois reprises au salon INTEN qui est un salon renommé spécialisé dans le nihonga. Il a fait des peintures dans un temple qui avait été détruit après le séisme de 2011.
Ooba sensei artiste-explorateur experimente de nombreuses techniques. Ainsi avec cet oiseau il a peint un fond avec son motif puis l’a couvert avec un papier très fin (awagami paper) en le fixant avec du dosa; le papier étant assez fragile, il faut faire attention. Le motif ressort en transparence , il est ensuite complété par des détails. Cela donne un aspect vaporeux
Sur des petits formats comme des expériences créatives dont on retrouve des traces dans les grands formats. Il utilise différentes techniques, et expérimente beaucoup de matériaux. Certains fond sont très matiérés, avec une base en moriyage gofun ou beige . Pour celle ci il a utilisé des outils de décor pour bois ou un outil qu’il a fabriqué à partir d’une raclette en plastique. Pour les tableaux très matiérés il utilise un papier assez épais (Tosa washi ou kumodaashi ) Il a aussi recour à de la poudre de cristal pur pour les motifs bancs et parfois du gofun. (Tableau sapins fond bleu) .Il utilise aussi parfois de la ouate de soie avec de la feuille d’or pour faire un fond (voir tableau au raisin). Pour le même motif de raisin il a reproduit un tissu imprimé sur fond indigo avec des motifs en relief (traditionnellement yuzen indigo), le contour du tableau a été recouvert du tissu modèle.
Parfois les fonds sont travaillés avec du papier froissé fin à base de vieux documents récupérés. Le papier, peint, découpé et collé est parfois utilisé. Il utilise un vaporisateur pour le dosa. Ces tableaux matiérés ont ceci de très interessant que l’on ne peut découvrir leur richesse qu’en s’approchant de l’oeuvre . J’aime beaucoup cette opposition entre la matière du fond et la finesse des motifs. Ce sont aussi des oeuvres qui doivent demander beaucoup de temps et d’habileté, mais surtout du talent..
Ooba-san me montre une poudre beige qui vient d’Italie, une autre poudre noire qu’il récupère d’une fabrique de taille de pierre (ou marbre); une boite à compartiments qui contient des pierres et différents matériaux dont de la colle animale en cubes et perles (Lapin, beuf, daim). Il me dit utiliser deux colles mélangées. De la turquoise, de la cochenille, azurite, malachite, lapis lazuli, sodalite, gunjo (jaune) fait à partir d’une plante, pierre noire, œil de tigre, corail, platine, or, argent, lave blanche.
Quand je lui demande pourquoi il peint nihonga, il m’explique qu’enfant il aimait collectionner les pierres. Il a vu sa première exposition de nihonga à 40 ans, et il a été impressionné par la beauté de cette peinture
Il y aurait encore beaucoup à raconter sur cette rencontre à l’atelier. Les cahiers d’esquisses, les peintures en sumi-e…
Je clos cet article avec un grand MERCI à Ooba Shigeyuki de m’avoir si gentiment et généreusement reçue dans son atelier et dans son univers. Un grand merci également à son épouse qui l’accompagnait. Un souvenir aussi inoubliable que le gout de son thé matcha.
