J’ai découvert le travail de Sadanori Fukui il y a déja quelques temps quand je faisais des recherches à propos du nihonga sur bois. Puis j’ai vu quelques unes de ses oeuvres à la galerie Vanessa Rau qui m’avaient donné envie d’en savoir plus. Entre Ema et Nihonga traditionnel, les oeuvres de Sadanori Fukui sont en effet inclassables si ce n’est qu’il est difficile de ne pas tomber sous leur charme, surtout quand on aime la beauté des matériaux naturels. Je viens à Uji pour la deuxième fois car j’étais venue en 2012 pour rencontrer le fabriquant de pigments Nakagawa. Sadanori-san est venu me chercher à la gare pour me conduire à son atelier ; nous y aurons un entretien puis nous irons à Nara où il a une exposition.
L’atelier de Sadanori-san, est situé dès l’entrée de sa maison, derrière quelques arbres dont un camélia que j’imagine en fleurs aujourd’hui.
Rempli de tous les matériaux au service de sa créativité, d’oeuvres en cours ou terminées, prêtes à être exposées, je mesure ma chance de pouvoir visiter son atelier et ainsi de découvrir les secrets de fabrication de l’artiste. En effet, bocaux et fioles contiennent principalement des matériaux glanés dans la nature par lui même ou envoyés par ses amis, aux quatre coins du monde. Pierres, cristaux, sables, terres, coquillages, graines, bois offriront une gamme de teintes de gris, d’ocres ,rouges, bruns et noirs. Une palette idéale pour exprimer toutes émotions liées à la nature.
Je suis d’abord fascinée par les essences de bois dont des exemplaires sont stockées à la verticale contre les murs. Douces au toucher, aux fibres nuancées, des essences de pin, cèdre rouge, chêne, offrent un merveilleux support pour le créateur inspiré . Sadanori-san m’explique qu’il a voulu retrouver dans sa peinture le geste du peintre des origines, quand celui ci cherchait ses couleurs dans la nature et les appliquait sur les parois des grottes.
Ainsi , si c’est chez un marchand de bois qu’il achète ses planches, il tient ensuite à les traiter comme le faisaient les artisans japonais il y a 1300 ans . En effet, il m’explique avec l’aide d’un dessin qu’à l’époque les planches n’étaient pas débitées à la scie comme aujourd’hui. Chaque tronc ne pouvait produire qu’une planche façonnée avec un outil : kawahagi. Sadanori-San m’explique alors en dessin le procédé. Plus tard, alors que j’étais à la recherche de ces fameuses planches, un menuisier m’a montré l’outil. Sadanori-san retravaille ses planches avec une sorte de gouge, ce qui leur donne alors un aspect comme sculpté, non lisse.
Le peintre me montre alors comment il broie ses pierres, avec un simple pilon et un mortier, par petites quantités. Parfois ce sont des graines calcinées ou des bambous qui seront brulés pendant plusieurs jours pour produire un pigment noir.
Il achète des pinceaux bon marché, car ceux ci seront soumis à rude épreuve.; Avant de les utiliser, il les retaille pour les adapter à ses besoins. Sadanori-San pense que ce type de création ne fait pas partie de ce que l’on nomme nihonga car sa démarche est particulièrement originale; pourtant il se rapproche du nihonga des origines par le désir de se rapprocher au plus près de la nature. Les motifs sont le plus souvent animaliers, parfois végétaux, plus rarement des personnages issus de légendes.
Ayant à coeur de faire en sorte que ses oeuvres soient à portée de tous, il peint sur des formats modestes, produit beaucoup, expose aussi dans de nombreuses villes au Japon et souvent à Kyoto, lors d’expositions collectives et personnelles. Ainsi il me propose de l’accompagner à son exposition dans une petite galerie de Nara. Nous prenons le train , un temps utilisé pour broyer un sable rouge d’Hawaï qu’il utilisera lors de sa démonstration qu’il fera à la galerie. A bientôt à l’exposition de Sadanori Fukui à Nara! C’est dans le prochain article.